vendredi 4 novembre 2011

L'agace-trop nomie

Pendant longtemps, la compagnie Air-France a eu à cœur de faire honneur à la réputation de la France en matière de gastronomie. Ces dernières années, la réduction des coûts imposée par la concurrence a complètement modifié le tableau. Témoin notre dernier voyage Roissy-Rio de Janeiro ...
Aussitôt installés sur nos sièges, on jette un coût d'œil sur la carte; rien d'extraordinaire, au choix poisson au four (à micro-onde bien sûr) ou tranche de rosbif dégelée tant bien que mal de la même façon. Classique sur les vols de la compagnie et donc sans surprise. Chacun déjà a arrêté ses préférences lorsque survient une annonce trilingue, français et anglais plus le portugais vu la destination du jour.
"Mesdames et Messieurs, à la suite d'une erreur dans les livraisons, nous ne sommes pas en mesure de vous servir le menu qui figure sur la carte. Veuillez nous excuser pour cet incident et opter désormais, soit pour du poulet aux légumes soit pour des pâtes à la bolognaise".
Je vous fais grâce de la version anglaise pour passer directement au portugais "Senhoras et Senhores, bla bla bla ... vão poder escolher um frango com legume ou um pato à bolonhese ". Je jette un coup d'œil ahuri à ma compagne et nous éclatons de rire en même temps que quelques passagers attentifs et bilingues.
Si vous connaissez le portugais (ou l'espagnol), vous avez déjà compris qu'en portugais on nous propose du canard (pato) et non des pâtes (massa). Bien entendu, je ne résiste pas à la tentation perverse de réclamer du canard lorsque la cantine arrive (enfin) pour nous servir. L'hôtesse m'apprend alors que non-seulement il n'y a jamais eu de canard (je m'en doutais un peu) mais aussi qu'ils ont épuisé la réserve de poulets et même les pâtes.
Il ne reste plus qu'une barquette en aluminium au contenu mystérieux - puisque la livraison de cuisine ne correspond pas aux plats prévus. La barquette porte l’inscription "ANZO", le mystère s'épaissit, un conciliabule à trois (l'hôtesse, ma compagne et moi-même) n'arrive même pas à déterminer si ANZO est une marque commerciale ou un mot d'une langue ougaro-altaïque non encore répertoriée.
L'hôtesse enlève donc le couvercle en carton pour jeter un coup d'œil et de nez dans la barquette et son verdict est implacable :  "je ne sais pas ce que c'est". Je l'examine à mon tour (la barquette, pas l'hôtesse) : c'est une chose blanchâtre granulée qui semble être mélangée avec des morceaux d'un blanc plus cassé et ne dégage aucune odeur - faut-il s'en réjouir ? "en tout cas, ce n'est pas du canard" persévéré-je.
Faute d'autre choix, j'accepte le plat en me disant que j'en saurai plus après y avoir goûté, ce en quoi j'ai tort. J'avale la moitié de la barquette, mais l'énigme reste entière et, quand l'hôtesse revient "alors, c'était quoi ?" je suis contraint d'avouer mon ignorance.

Heureusement, pour me consoler, elle m'a apporté du Canard ...Duchêne. Un excellent Champagne, ma foi !