vendredi 6 juillet 2007

Boucs et Mystères

Mystère 1Tout bébé déjà, ma fille Chloé fréquentait le parc Léopold : nous l'y emmenions en landau pour dans les allées, mais sa destination préférée était sans conteste un enclos au pied du Caprice des Dieux où poussaient coqs et chèvres, poules et boucs. Je n'ai jamais su qui élévait ainsi ces animaux en pleine ville, ni dans quel but.
Plus tard, elle put marcher seule mais nous l'accompagnions à la plaine de jeux, dans la barque échouée sur le sable ou dans la cage à poules. On en profitait pour taquiner les rats et les corneilles ou pour regarder pousser les canetons de l'étang. Et bien sûr, nous grimpions jusqu'au banc, au sommet du Parc, d'où nous avions une vue imprenable sur les capridés et les gallinacés. C'était comme un morceau de l'Arche de Noé échoué sur le mont Ararat.

Mystère 2À partir de 11 ans, Chloé s'est mise à fréquenter le parc tous les jours, puisque c'est là qu'elle suivait les cours du Lycée Émile Jacqmain. Cette fréquentation a pris fin, en même temps que son enfance, fin juin, lors de la cérémonie solennelle de remise des diplômes de fin d'étude secondaire.
Dans une salle minuscule, chaque étudiant(e) de rhétorique se présentait sur le podium pour y recevoir un rouleau de papier. En outre, les filles se voyaient remettre une longue rose fanée (symbole de leur lointaine naissance) et les garçons un chou flétri... Plus exactement, la logique symbolique eut voulu qu'ils repartissent avec un chou, mais il n'en fut rien. En l'absence de chou, chaque garçon reçut donc une minuscule boîte de pralines Léonidas. Tandis que le défilé des lauréats se poursuivait, et que je m'interrogeais encore sur l'absence de choux, des individus au sexe douteux échangeaient leur rose contre des pralines, et le vice versa.



Mystère 3La cérémonie touchait à sa fin lorsqu'un jeune homme blond monta à la tribune en se présentant comme le représentant du Conseil des Étudiants. D'emblée, il informa les élèves et leurs parents que les boucs n'étaient pas prêts, seuls un dizaine d'entre eux ayant pu être réuni à temps pour la cérémonie. J'étais stupéfait ... des boucs ... bien sûr, d'une certaine façon, cela expliquait la disparition des choux et en partie aussi, l'existence d'un élevage à proximité de l'école : si le Lycée distribuait une centaine de boucs chaque année, il fallait bien une infrastructure pour produire le précieux (et cornu) trophée.
Pourtant, j'étais un peu inquiet à l'idée de devoir conserver ce bouc à la maison : on dit l'odeur de la bête assez repoussante ! Bien que ma fille (et ma compagne) soit capricornienne, je me voyais mal lui dire «range ce bouc dans ta chambre, je ne veux pas le voir dans l'escalier et encore moins dans la salle-à-manger !» Bref, heureusement que les boucs étaient en retard, cela me donnait quelques jours pour réfléchir à la question.
En effet, le délégué étudiant, après avoir présenté ses excuses pour le retard, a annoncé que les boucs seraient livrés dans les boîtes-à-lettres avant la mi-juillet. J'ai trouvé une place pour le bouc, dans le jardin, nous avons commencé à installer des clôtures pour protéger les roses et les poissons rouges. Heureusement nous ne cultivons pas de chou, mais notre chat va-t-il accepter de partager son domaine ? Il reste encore à aménager la boîte-à-lettres pour faciliter la livraison, et je vais m'y atteler à l'instant.


Un père ému mais troublé
PS: Pour l'agrandissement de la porte, je suis arrivé trop tard : le bouc a déjà été livré !
NB: ce n'est pas un bouc, mais un "book", excusez-moi de vous avoir embêtés pour rien.

mardi 3 juillet 2007

La rentrée des moules


Quand j'étais dans mon petit lit blanc ma maman susurrait en me berçant «laisse tes mains au dessus des couvertures et ne mange pas de moules les mois sans "R"». Si j'ai quelque peu par la suite négligé son premier conseil, je n'ai, jamais, par contre oublié le second. Car, en Belgique, les moules sont sacrées, en particulier accompagnées de frites; et ces moules sont taboues pendant le quadrimestre d'été : mai, juin, juillet, août, les fameux mois sans "R".
Jusqu'au jour où ...
Ce matin donc je découvre avec stupéfaction et horreur un dépliant publicitaire de Carrefour proclamant «La saison des moules commence» ... Quand ? Le 4 jurillet ? Dréjà ? N'est-ce pas plutôt l'Independrance Dray ? Encore un coup de Al Gore et de son réchauffement climatique !
Certes, cela fait quelques année que nous voyions des cerises en mai, les chicons en octobre et Noël en novembre. Mais les mouilles en julet, pardon, j'en bafouille, là, les mytiliculteurs ne manquent pas d'"R" ! De toute éternité la rentrée des moules a coïncidé avec la rentrée des classes, certains instituteurs allant même jusqu'à accueillir leurs élèves au son de "Silence, bande de moules !"
S'il est vrai que ces dernières années, les producteurs de Zélande étaient un peu sortis du moule en proposant des variétés hâtives avec quelques jours d'avance sur le calendrier orthodoxe, la majorité des moules continuait néanmoins à couler des journées estivales heureuses avec leurs rejetons. Désormais, ceux-ci, accélérés à coup de vitamines et hormones de croissance, deviennent adultes en deux mois.
Et le goût dans tout cela ? J'ai des doutes. Ma sœur a récemment achetés de ces moules hors saison, qui s'étaient révélées immangeables. Quand elle s'en est plainte au commerçant, celui-ci lui a répondu (sic) «Quelle idée d'acheter des moules au mois de juin !» «Mais alors, pourquoi en vendez-vous en magasin ?» «Parce qu'il y a des imbéciles qui en achètent ...»
Encore un qui ne manque pas d'R !!