vendredi 8 août 2014

Les enveloppes de Tata P

Aujourd'hui « les chroniques-ta tante »


J'avais – et j'ai toujours par ailleurs – une tante bien enveloppée. Non qu'elle fût grassouillette, que du contraire, elle est plutôt grande et étique. Simplement, en toute occasion, elle recourait aux enveloppes : pour écrire des lettres – on se souviendra qu'au XXè siècle le courrier était postal - ; dans son travail, comme comptable, elle mettait sous enveloppe les justificatifs et autres tickets de caisse. Au nouvel an, elle distribuait à chacun de ses neveux une enveloppe avec les étrennes proportionnées aux besoins de chacun.

  De chaque neveu, car elle n'avait pas eu d'enfant, elle n'avait jamais été mariée et nous soupçonnions même qu'elle n'avait jamais connu le loup. Bref, c'était une vieille fille telle qu'on les concevait au siècle dernier, solitaire, farouche et pudibonde jusqu'à l'angoisse.

De temps à autre, ses loisirs la conduisaient en ville à la recherche d'un nouveau tailleur gris ou d'un livre de méditation chrétienne. Dans ces circonstances, elle ne craignaient rien tant que d'être prise d'un besoin urgent et de se retrouver dans un WC sans papier. C'est pourquoi elle conservait toujours dans son sac à main quelques coupons de son moltonel préféré.
Cependant, il était hors de question d'emporter le précieux accessoire en vrac ou sous forme de rouleau : si par hasard une vendeuse ou un client avait avait aperçu la chose, ma tante en serait morte de honte. Elle rangeait donc le PQ secourable non dans on portefeuille mais dans des enveloppes, chaque enveloppe contenant quatre coupons.

L'Histoire pourrait s'arrêter ici, mais vous imaginez la suite ?

Eh bien, vous imaginez mal, car la tante très organisée n'a jamais mélangé les différentes enveloppes. Ce qui arriva, en fait, c'est qu'un jour un quelconque voyou lui arracha son sac et s'enfuit en courant pour s'abriter et faire l'inventaire de son butin.
Personne n'a évidemment vu la tête du malfrat en découvrant le contenu des enveloppes, mais on peut l'imaginer et profiter du fou-rire, comme rarement ma tante en a connu.