vendredi 8 août 2014

Les enveloppes de Tata P

Aujourd'hui « les chroniques-ta tante »


J'avais – et j'ai toujours par ailleurs – une tante bien enveloppée. Non qu'elle fût grassouillette, que du contraire, elle est plutôt grande et étique. Simplement, en toute occasion, elle recourait aux enveloppes : pour écrire des lettres – on se souviendra qu'au XXè siècle le courrier était postal - ; dans son travail, comme comptable, elle mettait sous enveloppe les justificatifs et autres tickets de caisse. Au nouvel an, elle distribuait à chacun de ses neveux une enveloppe avec les étrennes proportionnées aux besoins de chacun.

  De chaque neveu, car elle n'avait pas eu d'enfant, elle n'avait jamais été mariée et nous soupçonnions même qu'elle n'avait jamais connu le loup. Bref, c'était une vieille fille telle qu'on les concevait au siècle dernier, solitaire, farouche et pudibonde jusqu'à l'angoisse.

De temps à autre, ses loisirs la conduisaient en ville à la recherche d'un nouveau tailleur gris ou d'un livre de méditation chrétienne. Dans ces circonstances, elle ne craignaient rien tant que d'être prise d'un besoin urgent et de se retrouver dans un WC sans papier. C'est pourquoi elle conservait toujours dans son sac à main quelques coupons de son moltonel préféré.
Cependant, il était hors de question d'emporter le précieux accessoire en vrac ou sous forme de rouleau : si par hasard une vendeuse ou un client avait avait aperçu la chose, ma tante en serait morte de honte. Elle rangeait donc le PQ secourable non dans on portefeuille mais dans des enveloppes, chaque enveloppe contenant quatre coupons.

L'Histoire pourrait s'arrêter ici, mais vous imaginez la suite ?

Eh bien, vous imaginez mal, car la tante très organisée n'a jamais mélangé les différentes enveloppes. Ce qui arriva, en fait, c'est qu'un jour un quelconque voyou lui arracha son sac et s'enfuit en courant pour s'abriter et faire l'inventaire de son butin.
Personne n'a évidemment vu la tête du malfrat en découvrant le contenu des enveloppes, mais on peut l'imaginer et profiter du fou-rire, comme rarement ma tante en a connu.

dimanche 12 janvier 2014

Gares aux trains

On se souvient du célèbre mot de Cambronne (pas celui là, l'autre) : « La gare demeure, mais ne se rend pas ». C'est donc au train de se déplacer, pour relier les gares entre elles. Pas si simple pourtant. Si l'on en juge par l'expérience belge, en effet, de multiples causes peuvent empêcher ou freiner la circulation des trains. Car, si les voies du Seigneur sont impénétrables, on ne peut pas en dire autant de celles des chemins de fer.

Ainsi notre climat tempéré mais surtout capricieux affecte régulièrement le rail belge : la pluie inonde les voies ; le vent dresse des barrages d'arbres contre les express qui du coup se transforment en tortillards ; à l'automne, les feuilles de ces mêmes arbres (enfin, ceux qui ne sont pas déjà tombés sur les caténaires) bloquent les aiguillages, comme le gel et la neige en hiver ; certains trains se retrouvent ainsi détournés sur La Paz ou Lhassa, où ils risquent alors d'être confrontés à des lamas. En été, la chaleur dilate le métal ce qui entraîne des déraillements bien pires que sur les Chroniques-t-amères ...

La malveillance des hommes apporte aussi son lot de désagréments : il y a les suicidés, qui prennent un malin plaisir à traumatiser les cheminots – heureusement, de par la sélection naturelles, les suicidaires sont chaque jour moins nombreux ; il y a les conducteurs de trains qui se mettent en grève pour le moindre suicide ; il y a les voleurs de cuivre qui profitent de la moindre grève pour piquer les câbles, parfois même des transformateurs ; il y a les sales gosses qui jettent des cailloux sur les voies, les wagons ou les machinistes ; il y a les automobilistes qui traversent la voie malgré les barrières et les feux ; des piétons aussi – il est difficile de faire la différence entre ceux-ci et les suicidés ; il y a les plaisantins qui tirent le signal d’alarme alors qu'il n'y a ni suicidé, ni lama, ni voiture sur les voies.

Et pour freiner ou arrêter la circulation des trains on peut encore compter avec les animaux domestiques (chiens, vaches, poules, moutons, lamas) ou sauvages (panthères des neiges, pandas, sangliers, cerfs, lamas) qui cherchent un raccourci pour rejoindre qui leur maître, qui leur ferme, qui leur cirque ou leur zoo.


(Pour les lamas, je ne sais exactement dans quelle catégorie les mettre. Chacun a entendu parler du train de Gand stoppé par un lama, mais le doute persiste encore, est-ce un lama andin, un lama tibétain ou un Lama Serge ? Ces trois sortes de lamas ont cependant un comportement différent lorsqu'ils rencontrent un convoi : le lama tibétain l'évite en lévitant, le lama andin crache et le Lama Serge crie « je suis malade » avant même d'être blessé.)

Tous ces facteurs ne sont pas tous facteurs, il y a aussi des représentants de commerce, des postiers, des chanteurs, des cheminots et des ingénieurs de la SNCB. Ces derniers se sont mis au travail pour améliorer la ponctualité des trains et ont fait deux propositions révolutionnaires :
  1. Pour que les trains arrivent à l'heure, cela peut aider qu'ils partent à l'heure.
  2. S'ils sont systématiquement en retard, il suffit de changer l'horaire.
Élémentaire, mon cher Stevenson !

Bibliographie :
Victor Hugo La légende des siècles
Hergé Le temple du soleil
Hergé Tintin au Tibet
Audit de la SNCB Les trains et leur train-train.
Le Soir divers numéros de 2013

Serge Lama Les p'tites femmes de Pigale