C'était une chaude
journée de septembre à Lisbonne. Le soir venu, le Largo da Graça
se garnit de nombreux dîneurs lisboètes et touristes qui occupent
les terrasses des différents restaurants. Arrive un tram 28 qui
quelquefois abrège son trajet pour prendre ici son terminus en face
de la caserne des pompiers.
Or
voici qu'au moment mẽme où le tramway s'engage sur l'esplanade
apparaît dans les airs un parapluie vert, coincé dans les cãbles
du tram. Personne ne sait d'où vient ce parapluie surgi de nulle
part, tel le
planeur de Mary Poppins sans sa
propriétaire.
Le
wattman se montre préoccupé : ce parapluie ne va-t-il pas
l'empẽcher de faire demi-tour pour repartir vers les Plaisirs
(Prazeres, c'est
l'autre bout de la ligne 28). Car
il est bien connu que “là où il y a de la gêne – de parapluie
– il n'est point de Plaisirs. Il sort donc
de sa cabine et tente
d'écarter l'obstacle à
l'aide de la flèche du tram.
Malgré les encouragement du public, ledit parapluie reste insensible
aux efforts du conducteur de 28.
Se
présente alors
la maréchaussée : les pandores font le constat que le parapluie ne
menace nullement la circulation des trams, mais bien celle des
piétons qui pourraient prendre un mauvais coup si le parasol
tombait. L'objet est en effet un parasol vu que, en se balançant au
bout des câbles, il a laissé apercevoir à certains un mat de fer
blanc et pointu. Ce qui est plus logique, car cela fait des semaines
qu'il n'a pas plu sur Lisbonne et aucun nuage n'annonce une
quelconque ondée ni donc un
quelconque parapluie.
Pour
autant, le mystère reste entier de l'origine du désormais parasol
vert : est-t-il venu en planant avec la brise du soir d'une des
plages de l'Ouest ? Est-il
descendu en parachute de la terrasse d'un des immeubles du quartier ?
Les supputations s'echangent en portugais, français, espagnol,
anglais, italien … chacun y va de son hypothèse
préférée.
Pendant
ce temps, la police a établi un cordon de sécurité et le tramway
est reparti. Une bande de plastique rouge et blanc délimite
maintenant la scène de crime; munis de longues perches, les flics
tentent de faire tomber le parasol qui refuse toujours d'obtempérer.
Il se contente de danser autour de son fil sous l'effet du vent et
des coups de bâtons. “Ce parasol est trop vert, il faut attendre
qu'il murisse” suggère un touriste facécieux.
Un autre estime qu'il faut faire appel aux pompiers tout proches.
Ce
dernier avis paraît plus pertinent. D'ailleurs, sortis de leur
caserne toute proches, les pompiers sont là, évaluent la situation
et repartent illico vers leur caserne, pour la plus grande déception
du public de plus en plus fasciné par ce spectacle haletant. Mais
déjà les combattants du feu reviennent avec les grands moyens, un
camion rouge surmonté d'une plate-forme mobile. La foule sent que la
fin est proche, lance des hourras et applaudit à tout rompre. Un
héros, monté sur la plate-forme réussit en effet à décrocher le
parasol qui descend en tournoyant.
Le
camion et son personnel repartent sous les vivats, les serveurs
reprennent leur service et les dĩneurs leur dĩner mais ...rde,
les brochettes et les frites ont refroidi.